Peu avant la prise de la Bastille, Sade est évacué de la forteresse où il doit abandonner sa bibliothèque et nombre de ses manuscrits. Parmi eux, le rouleau des Cent Vingt Journées de Sodome constitue une expérience d'écriture sans précédent. Il ne sera publié qu'au XXe siècle et exposé au public pour la première fois au XXIe. Suivre sa trace, de sa rédaction jusqu'à aujourd'hui, c'est traverser la Révolution française, le Berlin des années folles, le Paris et la Genève des grands mouvements financiers. Les Cent Vingt Journées de Sodome sont une source pour les surréalistes, un défi pour les philosophes et les cinéastes, un objet de commerce et de controverse. Son frêle papier heurte de plein fouet le moralisme contemporain qui prétend imposer les normes d'aujourd'hui aux oeuvres du passé et voudrait nier toute autonomie de la pensée et de l'art. Raconter l'histoire d'un rouleau de papier, c'est suivre la frontière fluctuante de la liberté de penser et d'écrire.
Ce conte érotique tient en deux missives envoyées par Erosie à son amie restée au couvent : l'héroïne y raconte comment, au lieu de son futur époux, elle trouve dans l'auberge où ce dernier devait l'attendre un petit vicomte qui la guérit de sa haine des hommes, et quels obstacles à sa découverte du plaisir va dresser un abbé jaloux devenu maître chanteur.
Le Doctorat impromptu est une leçon de sagesse amoureuse qui, dans le même mouvement, devient une invitation à l'appliquer - autrement dit c'est un livre de philosophie où le gai savoir de l'amour se réalise dans la simple description du plaisir de le faire.
Présentée sous la forme d'une lettre à une amie, «pour nous égayer dans le particulier», la confession de Laure dépeint avec l'immédiateté de l'évidence l'initiation sensuelle et sexuelle de l'héroïne. Très tôt livrée à elle-même, la jeune fille vit dans le bonheur les enseignements de son «père adoptif» et découvre, sans même l'idée de l'immoralité, la réalité du plaisir. Et Mirabeau, par ce roman jubilatoire qui très vite devint un modèle du genre, rappelle avec force que la volupté s'apprend, et que le plaisir est contagieux.
Un jour de lourd ennui, le Sultan des Indes Schah-Baham, petit-fils du grand Schah-Riar, le héros des Mille et Une Nuits, propose que chacun, dans sa cour, dise de ces contes dont il est si friand. Le sort désigne le jeune Amanzéi, qui raconte une de ses vies antérieures, quand Brama, pour le punir de ses dérèglements, le fit sopha. Dans cette aimable prison, l'âme forte de ses facultés inaltérées, libre de voyager d'un divan à un autre, nonchalamment à l'affût d'une improbable délivrance (un couple devant, pour cela, s'échanger sur lui ses prémices), il aura pris le temps de satisfaire sa leste curiosité, tout en méditant sur ce qui d'ordinaire se dérobe - masques tombés de la comédie sociale, voiles ôtés des corps, désirs et coeurs mis à nu.
Célie.
-vous ne voulez donc pas me dire que nous m'aimez, que vous m'aimerez toujours ? le duc. - en vérité ! j'ai peine à concevoir comment, avec autant d'esprit que vous en avez, on peut tenir à ce point à de pareilles misères. célie. - en effet ! j'ai le plus grand tort du monde ! je me donne même le dernier des ridicules, d'exiger d'un homme, qui exige tout de moi, qu'il me dise qu'il m'aime ! le duc. - oui, vous vous en donnez un ; puisque à cet égard le doute ne vous est pas permis.
Célie. -que de mots pour un, et qui ne le valent pas ! le lecteur remarquera, s'il lui plaît, que pendant ce dialogue, monsieur de clerval n'a pas un moment suspendu ce qui l'occupait ; et que célie, (. ) dans l'instant qu'elle a recommencé à parler, a cessé toute résistance : et ne sachant même la physique que médiocrement, on n'aura pas de peine à concevoir que sa fierté ne peut qu'en être considérablement altérée ; monsieur le duc, surtout n'ayant pas un seul instant perdu son objet de vue.
Célie avec plus de désir que de pouvoir se fâcher beaucoup. -monsieur. je vois bien quelle est votre intention. mais je vous avertis, si vous n'aimez pas les statues, que vous en trouverez une. le duc du plus grand sérieux. - qu'à cela ne tienne ; cette menace ne m'effraye pas ; .
Dans ce roman érotique du XVIIIe siècle, le procès en 1730 qui opposa un jésuite et sa pénitente qui l'accusait de l'avoir séduite, sert de point de départ à cette satire anticléricale. Mlle Eradice, confiée aux soins d'un abbé sans scrupule, découvre malgré elle les plaisirs défendus.
Dolmancé à Eugénie : «Soyez de même extrêmement libre avec les hommes ; affichez avec eux l'irréligion et l'impudence : loin de vous effrayer des libertés qu'ils prendront, accordez-leur mystérieusement tout ce qui peut les amuser sans vous compromettre ; laissez-vous manier par eux... ; mais, puisque l'honneur chimérique des femmes tient à leurs prémices antérieures, rendez-vous plus difficile sur cela ; une fois mariée, prenez des laquais, point d'amant, ou payez quelques gens sûrs : de ce moment tout est à couvert ; plus d'atteinte à votre réputation, et sans qu'on ait jamais pu vous suspecter, vous avez trouvé l'art de faire tout ce qui vous a plu.»
"Eh bien ! monsieur, dit-elle à Courval, croyez-vous maintenant qu'il puisse exister au monde une criminelle plus affreuse que la misérable Florville ?... Reconnais-moi, Senneval, reconnais à la fois ta soeur, celle que tu as séduite à Nancy, la meurtrière de ton fils, l'épouse de ton père, et l'infâme créature qui a traîné ta mère à l'échafaud... Oui, messieurs, voilà mes crimes ; sur lequel de vous que je jette les yeux, je n'aperçois qu'un objet d'horreur ; ou je vois mon amant dans mon frère, ou je vois mon époux dans l'auteur de mes jours ; et si c'est sur moi que se portent mes regards, je n'aperçois plus que le monstre exécrable qui poignarda son fils et fit mourir sa mère. Croyez-vous que le ciel puisse avoir assez de tourments pour moi, ou supposez-vous que je puisse survivre un instant aux fléaux qui tourmentent mon coeur ?... Non, il me reste encore un crime à commettre : celui-là les vengera tous."
Quelles infortunes pour la vertueuse Justine ! Sans défense, elle se retrouve jetée malgré elle sur la pente du vice. Et ce n'est certainement pas au couvent qu'elle trouvera le salut : car entre les murs, où la débauche et la luxure sont les seuls mots d'ordre, les moines se livrent à des pratiques redoutables pour expier leurs désirs...
Mis à jour par Apollinaire, ce premier manuscrit offre la version condensée et originelle du plus grand chef-d'oeuvre de Sade.
À l'école du libertinage, quarante-deux jeunes gens sont soumis corps et âmes aux fantasmes des maîtres du château. Premier chef-d'oeuvre du marquis de Sade, tout à la fois scandale et révolution littéraire, chacune de ces cent vingt journées de Sodome est un tableau des vices et perversions les plus criminelles, découvrant avec un inimitable génie la face noire et inavouable de l'homme.
Rejetant la douce nature rousseauiste, Sade dévoile le mal qui est en nous et dans la vie.
La vertueuse Justine fait la confidence de ses malheurs et demeure jusque dans les plus scabreux détails l'incarnation de la vertu. Apologie du crime, de la liberté des corps comme des esprits, de la cruauté, « extrême sensibilité des organes connue seulement des êtres délicats », l'oeuvre du marquis de Sade étonne ou scandalise. « Elle paraît bien n'être, dit Klossowski, qu'un seul cri désespéré, lancé à l'image de la virginité inaccessible, cri enveloppé et comme enchâssé dans un cantique de blasphèmes. » C'est aussi une oeuvre d'une poésie délirante et pleine d'humour noir.
Préface et commentaires de Béatrice Didier.
«J'espère qu'on me comptera pour quelque chose l'aventure de la petite Volanges, dont vous paraissez faire si peu de cas : comme si ce n'était rien, que d'enlever, en une soirée, une jeune fille à son Amant aimé, d'en user ensuite tant qu'on le veut et absolument comme de son bien, et sans plus d'embarras ; d'en obtenir ce qu'on n'ose pas même exiger de toutes les filles dont c'est le métier ; et cela, sans la déranger en rien de son tendre amour... En sorte qu'après ma fantaisie passée, je la remettrai entre les bras de son Amant, pour ainsi dire, sans qu'elle se soit aperçue de rien.»
En 1783, à la parution du livre, Rétif a cinquante ans, comme son héros. Car cette histoire, la dernière aventure d'un vieux séducteur, il l'a vécue. Le roman est une autobiographie déguisée, récit d'une expérience cruelle:la jeune et belle Sara, qu'il aime et qui lui dit l'aimer, vend ses faveurs à d'autres. C'est la découverte, avec la jalousie, de l'illusion amoureuse, du mirage de l'amour, toujours déçu et toujours renaissant. C'est aussi la prise de conscience brutale de la vieillesse, du corps qui cesse d'être désirable:la fin d'une carrière de séducteur. L'ambition de Rétif est de confondre sa vie avec l'écriture:toute son oeuvre est une recréation littéraire de sa vie, annonçant la pratique actuelle de l'autofiction. Tel un Rousseau libertin, il place la sincérité au-dessus de tout, et raconte ses conquêtes féminines comme ses échecs et humiliations. Ce très beau roman, mélancolique et jamais moralisateur, est une ode à la jeunesse et à l'amour perdus.
Entre Marivaux et Laclos, le code et la pratique de l'amour au XVIII? siècle et bien au-delà. Comme l'écrit Étiemble, «sans étiqueter pré-freudien notre Crébillon fils, on peut constater que la peur du jeune Meilcour devant la jeune et belle Hortense, le mouvement qui le porte, non sans peurs et sans reproches, vers une amie de sa mère et du même âge qu'elle, la faiblesse qui le livrera plus tard à la Senanges, une pute, initiatrice au coeur vide, tout cela compose assez fidèlement le tableau de l'adolescent privé trop jeune de père et qui n'a pas réglé ses comptes avec son oedipe».
J'aimais éperdument la comtesse de...
J'avais vingt ans et j'étais ingénu, elle me trompa. je me fâchai, elle me quitta. j'étais ingénu, je la regrettai : j'avais vingt ans, elle me pardonna : et comme j'avais vingt ans, que j'étais ingénu, toujours trompé, mais plus quitté, je me croyais l'amant le mieux aimé, partant le plus heureux des hommes. elle était amie de madame de t...qui semblait avoir quelques projets sur ma personne, mais sans que sa dignité fût compromise.
Comme on le verra, mme de t... avait des principes de décence auxquels elle était scrupuleusement attachée.
Il a donc traversé tous les régimes ? Louis XV, Louis XVI, la Révolution, la Terreur, le Directoire, le Consulat, l'Empire, la Restauration ? Sans y perdre la tête ? Et vous dites qu'après avoir fondé le musée du Louvre, il a fini sa vie tranquillement à Paris, quai Voltaire, comme un collectionneur célèbre visité de partout ? Qu'il a son tombeau très officiel, avec statue, au Père-Lachaise ? Qu'il a connu tout le monde, les rois, les reines, Frédéric de Prusse, le cardinal de Bernis, Catherine de Russie, Pie VII, des généraux, des ambassadeurs, Robespierre, Joséphine, Napoléon, et aussi Diderot, Voltaire, Stendhal ? Il a donc vécu cent cinquante ans ? Non, soixante-dix-huit. Une vie tantôt calme et tantôt frénétique ; méditative, ou bien à cheval, au milieu des canons.