L'histoire inédite d'une exception française, de Montaigne à François Mitterrand.
La France possède une singularité enviée du monde, et sans doute vouée à disparaître : la liaison étroite qu'entretiennent depuis des siècles la politique et la littérature. En quel autre pays, un homme d'État estimerait que la légitimité issue du suffrage est rehaussée par le prestige de l'écriture ? En quel autre pays les grands écrivains jugent que leur génie leur octroie le devoir d'éclairer les destinées de la nation et de guider le peuple ? Ce croisement n'a pas été l'exception mais la norme, comme en témoignent par exemple la publication du Mémorial de Sainte-Hélène et celle des Mémoires de Charles de Gaulle dans la bibliothèque de la Pléiade.
Du XVIe au XXIe siècle, ce grand livre met en lumière, à travers une galerie de portraits d'hommes politiques qui ont écrit des chefs-d'oeuvre et d'écrivains phares qui ont exercé le pouvoir, cette endogamie paradoxale qui n'a cessé de susciter l'étonnement des étrangers, car elle donne aux mots une résonance et à la politique une élévation, presque une transcendance, qui manque tant aujourd'hui.
Du côté des hommes d'État, voici Henri IV, Richelieu, Louis XIV, Mirabeau, Napoléon, Clemenceau, Jaurès, Blum, de Gaulle et Mitterrand, dont l'exercice du pouvoir s'est accompagné des pouvoirs de l'écrit. Parmi les écrivains dont la renommée a été le piédestal des ambitions politiques, voici Montaigne, Chateaubriand, Lamartine, Tocqueville, Hugo, Barrès, Malraux, Senghor...
La littérature apparaît tantôt comme le vecteur d'une ambition, tantôt comme le deuil éclatant d'espoirs déçus, tandis que la politique cherche dans la littérature un surcroît de légitimité conjugué à un brevet pour la postérité.
Un livre fort, doté d'une écriture superbe ; des portraits ciselés qui convoquent l'ironie de Saint-Simon et ont la profondeur de ceux de Sainte-Beuve.
Nous n'avons qu'un seul Dieu ! Et nous n'y croyons pas ! ; Dieu n'existe pas...
Nous n'avons qu'un seul Dieu ! Et nous n'y croyons pas !? ; ?Dieu n'existe pas... et nous sommes son peuple élu !? : l'humour juif donne ici un modèle pour penser la confusion qui règne en France autour de la notion de judéité littéraire. Car la littérature juive de langue française n'existe pas, et ce livre va vous en parler.
Encore faut-il s'entendre : un écrivain juif de langue française est un écrivain dont la judéité produit des effets dans le champ littéraire francophone. À l'image de sa judéité civique que le citoyen juif négocie dans l'espace politique, la judéité littéraire est confrontée à un large spectre de possibilités, dont le camouflage et l'ostentation constituent les deux extrémités.
En explorant de façon lumineuse et délicate les oeuvres d'Albert Cohen et d'Elsa Triolet, d'Anna Langfus et de Bernard Frank, de Romain Gary, Georges Perec, Patrick Modiano, Serge Doubrovsky ou Nathalie Azoulai, cette enquête met en évidence l'empreinte profonde de la littérature juive de langue française sur des formes d'écriture (l'autobiographie) ou des événements de la vie littéraire (les prix Goncourt). Importance de la mémoire, centralité de la Shoah, poids des discriminations, phénomènes d'appropriation et de réappropriation culturelle, de symbiose et de séparatisme : en elle se résument les enjeux et les thèmes essentiels de notre modernité.
À l'occasion du dixième anniversaire du suicide de l'écrivain Jack-Alain Léger (1947-2013), Cécile Guilbert réunit en un volume les oeuvres les plus emblématiques de ses trois premiers pseudonymes. La redécouverte d'un auteur majeur de la seconde moitié du XXe siècle.
Avec une quarantaine de titres publiés sous cinq pseudonymes chez presque tous les éditeurs parisiens, une traversée endiablée de tous les genres et de tous les styles - proses poétiques expérimentales, romans d'aventures, sagas historiques, faux polars, récits autobiographiques, pamphlets, etc. -, Jack-Alain Léger a eu une carrière littéraire singulière, marquée à la fois par son immense prolixité, l'inégalité de sa réception, mais surtout par le brouillage des identités et des masques qui en est résulté.
Né en 1947 à Paris, brillant élève au lycée Henri IV et précocement très cultivé, il s'essaie d'abord à une carrière de pop star musicale et de poète underground sous les noms de Melmoth et Dashiell Hedayat. Devenu Jack-Alain Léger en 1973 jusqu'à son suicide quarante ans plus tard (il aura entre-temps signé quatre romans sous le nom de Paul Smaïl), sa foi dans les pouvoirs de la fiction et son engagement d'écrivain à la langue foncièrement rythmée et musicale n'ont jamais faibli, malgré la psychose maniaco-dépressive qui le minait depuis l'enfance, en dépit même de sa vertigineuse alternance de succès et d'échecs. Esprit mordant et polémique tout autant qu'élégiaque et romantique à ses heures, brillant et virtuose dans ses constructions romanesques, il a tout fait car il savait tout faire.
Le volume rassemble six ouvrages publiés par ordre d'apparition pseudonymique de l'auteur et de manière chronologique. D'abord son premier livre, le seul signé par Melmoth ( Being, 1969), puis l'un des plus emblématiques de la pop star Dashiell Hedayat ( Le Bleu le bleu, 1970). En ce qui concerne Jack-Alain Léger ont été retenus : d'abord Monsignore (1974), polar haletant et sophistiqué sur fond d'intrigues vaticano-financières, best-seller international adapté à Hollywood, succès de tous les malentendus ; puis Autoportrait au loup (1982), récit auto-analytique cru et sans concession, unique dans sa production littéraire ; ensuite Jacob Jacobi (1993), sans doute son meilleur roman, le plus virtuose, le plus amusant, qui concentre tous ses thèmes et toutes ses obsessions ; enfin Ma vie - titre provisoire (1997), fiction autobiographique caractéristique de ses livres tardifs qui, mêlant critique sociale et exhibition sans fard de sa dépression, n'en apparaissent pas moins écrits en pleine forme .
Précédés de notices relatives aux trois pseudonymes de l'auteur qui les contextualisent à l'intérieur du vaste jeu de masques que fut l'existence de Jack-Alain Léger, ce choix de livres restitue la cohérence d'une oeuvre et d'une personnalité uniques dans la littérature française de la seconde moitié du xxe siècle.
Pour le 20e titre de la collection « Des écrits pour la parole », L'Arche réédite le texte fondateur : celui qui a donné son nom à la collection, avec une préface inédite de Léonora Miano qui rappelle pourquoi « il a bien fallu écrire ces paroles ». Composé de deux parties, « In-tranquilles » et « Femme in a city », ce volume vibrant d'oralités et de récits intimes est un pamphlet poétique d'une force politique inouïe. Écrits pour la parole est une constellation de récits de femmes noires françaises, des récits intimes & politiques. Des récits libérateurs face à la violence systémique, instituée, reçue en plein corps, objet de représentations et de fantasmes dès l'enfance. Face aux mécanismes de domination à l'oeuvre dans la vie quotidienne, la sphère professionnelle, ou dans la rue. Face à l'invisibilisation dans les récits nationaux et les pages blanches de l'Histoire. Des voix pour apprendre à se connaître, accéder à une conscience de soi et reprendre en charge ses récits.
Un portrait audacieux et sensible du génial fabuliste.
Nous connaissons tous les fables de La Fontaine. Nous en avons appris à l'école, de multiples ouvrages leur ont été consacrés, elles font partie de notre patrimoine.
Mais savons-nous bien qui était La Fontaine ? L'une de ses protectrices disait de lui qu'il produisait des fables comme un pommier des pommes . Était-ce vraiment le cas ? On peut aussi se demander pourquoi ce styliste hors pair passait à l'époque pour un bonhomme , simple et naïf. Pourquoi il était prolixe à l'écrit, si peu en société. S'étonner qu'il se revendique paresseux, rêveur, insatiable jouisseur, et s'avère pourtant poète infatigable. Qu'il écrive des textes empreints de l'imaginaire enchanté de l'enfance sans beaucoup aimer les enfants. Qu'il soit, en définitive, si étrange...
Jean-Michel Delacomptée s'attache à cerner la personnalité déconcertante de cet auteur cher à nos mémoires. D'une plume inspirée, il sonde les mystères de l'homme et de l'oeuvre, faisant de ce portrait un véritable défi littéraire.
RENTRÉE LITTÉRAIRE 2023
Qu'est-ce que la littérature à l'époque néolibérale ?
Il est devenu presque impossible de dire que la littérature est inutile ou sans effet sur le monde social. Plus question de valoriser sa distance au réel sans prendre le risque de conforter les pensées les plus utilitaristes ou poujadistes. Aussi les tentatives de politisation de la littérature se multiplient-elles depuis le début du siècle, en s'attachant tantôt aux textes comme terrain d'exploration éthique, tantôt à leur capacité d'ouvrir les yeux aux lecteurs et lectrices sur des réalités cachées, tantôt à leur façon de construire des contre-récits au storytelling ambiant. Chacun à sa manière, ces paradigmes entendent rappeler que la littérature est une question foncièrement politique. Mais qu'est-ce à dire ?
Tel est le problème que voudrait clarifier cet essai. S'appuyant sur des oeuvres récentes et prenant pour prétexte le mot de Pascal (« Cela n'est pas volontaire, vous êtes embarqué »), il arrime tout texte littéraire aux situations et aux rapports de force dans lesquels il est pris jusqu'au cou : c'est la littérature embarquée. Il s'emploie à décrire les conditions économiques et sociales qui stimulent et contraignent la littérature française contemporaine, entre sentiment d'impuissance et récupérations néolibérales. Enfin, il esquisse une proposition théorique fondée sur la condition des auteurs en tant que producteurs - suivant l'adage emprunté à une banderole du mouvement Art en grève : « artistes 2 merde, politisez-vous. »
L'esprit est un jardin . C'est par cette belle formule que Hugo décrit le personnage de l'évêque de Digne, Monseigneur Myriel, dans son roman Les Misérables. Tantôt il bêchait dans son jardin, tantôt il lisait et écrivait. Il n'avait qu'un mot pour ces deux sortes de travail : il appelait cela jardiner. L'esprit est un jardin.
J'aime ce simple aphorisme, ce mantra hugolien qui combine si bien l'idée de la lecture avec le beau principe de la fécondité, la terre qu'on arpente et la graine qui fleurit, les lignes de la page et l'esprit qui s'élève, grandit sans se flétrir, pense sans jamais devenir sceptique ou pire : cynique.
Se plonger dans Hugo, c'est cultiver sans cesse notre émerveillement devant les beautés du monde, et notre indignation face à ses injustices. Je suis pétri de lui, de ses romans et de sa poésie. Depuis l'adolescence, je me nourris de ses discours. Je les ai presque tous lus. Et maintenant que ma vue baisse, je les sème vers d'autres. Vers ceux que j'aime, d'abord : mes filles, ma famille. Vers mes lecteurs aussi, par des biais détournés, quelques mots, en passant. Vers tous mes étudiants de Sciences Po, et d'ailleurs.
La lumière est dans le livre, écrit Victor Hugo. Ouvrez le livre tout grand. Laissez-le rayonner, laissez-le faire. Qui que vous soyez qui voulez cultiver, vivifier, édifier, attendrir, apaiser, mettez des livres partout. Les siens ont balisé ma vie d'homme et d'auteur.
La soeur jumelle. Puis la mère. Puis la petite fille. Puis le fils adolescent, et enfin le père. Le 24 mars 2022 une famille française se jette du septième étage de son balcon, face au lac Léman, à Montreux, en Suisse.
«Suicide collectif», concluent presque aussitôt les enquêteurs, malgré la présence de deux enfants mineurs. Un an plus tard, le dossier est clos. Les autorités ont posé une chape sur le «mystère de Montreux», un peu comme soixante ans plus tôt un cercueil fut scellé sans autre forme de procès sur le corps du grand-père des jumelles, l'écrivain Mouloud Feraoun, assassiné par l'OAS aux derniers jours de la guerre d'Algérie.
Quel scénario s'est imposé à cette famille lorsque la police a frappé à sa porte ? D'où lui vient sa «grande méfiance à l'égard de l'État» ? Pourquoi faudrait-il laisser à cette tragédie sa «part de mystère», comme l'enjoint le commissaire qui commente l'affaire ? Peut-on relier des morts par-delà les pays et les sépultures ?
L'écrivain aux trois continents, africain, européen et américain, assemble le puzzle de son identité.
" Nous sommes dans l'ère de la mutation, cher Alioune, et ce sont les rencontres, comme la nôtre, qui définissent de plus en plus nos rapports. Les nationalités ne veulent plus rien dire. Tu es Sénégalais, je suis Congolais. Et alors ? Notre fraternité est liée à la complicité que nous éprouvons en nous lisant les uns les autres. ".
Après Rainer Maria Rilke et ses Lettres à un jeune poète, Mario Vargas Llosa et ses Lettres à un jeune romancier, Alain Mabanckou répond aux questions posées par Alioune, jeune Sénégalais de 18 ans apprenti romancier. L'enfance grande ouverte sur les mots, l'épiphanie de la vocation, les joies de la création, mais aussi les tourments de la solitude et de l'angoisse...
Alain Mabanckou se raconte avec la sagesse et l'humanité qui caractérisent toute son oeuvre.
«Je me dis souvent que j'ai eu de la chance de connaître Milan pas trop jeune. Dans le dernier tiers de sa vie. Il avait déjà fait voeu de silence médiatique. À l'apogée de la maturité et de la liberté, il s'est mis à ressembler de plus en plus au vieil homme de La vie est ailleurs. Ce vieux savant qui observe en silence des jeunes gens tapageurs.» Une amitié ancienne lie Florence Noiville et son mari, «le garçon de Jablonec», à Milan Kundera et son épouse Vera. Saisies au vol comme le souvenir éclos d'une sensation, des scènes de complicité malicieuse - déjeuners au Touquet, visites à leur appartement, rencontres au café, «insoutenable nostalgie d'un insignifiant bavardage dans une auberge» - dessinent avec sensibilité et tendresse l'oeuvre (vécue) et la vie (romanesque) de Milan Kundera. Jamais une oeuvre n'aura autant dit de son auteur. Des fragments de textes et de conversations, des souvenirs, un carnet de voyage en Bohême et de nombreuses photos sont ici rassemblés dans un seul but : donner envie de (re)découvrir l'un des plus grands artistes du XX? siècle. Ce maître de l'ironie et de la désillusion qui n'a cessé de nous montrer de quelles plaisanteries nous nourrissons nos rêves et nos mensonges.
Lire pour soi, lire pour l'autre. Après "Les Livres prennent soin de nous" paru en 2015, Régine Detambel revient avec un ouvrage de bibliothérapie créative, qui recense quelques-unes de ses sources théoriques et les grandes lignes de sa pratique.
Dès les premières pages, il sait. Il est comme un chasseur qui suit une trace. Concentré, recueilli, il passe deux doigts de la main gauche sur sa lèvre supérieure. C'est un acte précieux, délicat, doux. Il est tout entier là, dans ce rituel.
Il est drôle, irrévérencieux, de mauvaise foi.
Flamboyant au charme fou, un peu voyou, il marque mal.
Il incarne la Maison. Autour de lui, une famille d'auteurs.
Les livres qu'il publie sont comme ses enfants, il les porte, les protège, les défend. Il est l'Éditeur. Et, comme la littérature, il résiste à toute définition.
Il s'appelait Jean-Marc Roberts. Voilà dix ans qu'il a tiré sa révérence. À travers son souvenir, Capucine Ruat, éditrice auprès de lui durant quinze ans, raconte l'édition, cette passion brûlante. Et, sous sa plume subtile, ce créateur inclassable rejoint enfin la tribu des personnages de roman.
Cela doit vous arriver bien souvent, n'est-ce pas, que des gens vous écrivent et qu'ils vous racontent un peu leur vie !
Entre la parution du Deuxième Sexe en 1949 et la fin de sa vie en 1986, Simone de Beauvoir aura reçu plus de 20 000 lettres. Des lectrices et des lecteurs de tous horizons écrivent à la géniale et courageuse femme de lettres pour la consulter sur l'amour, le mariage, la contraception. Des quatre coins du monde, on confie à Madame de Beauvoir ses engagements politiques, son homosexualité hésitante ou encore l'horreur des avortements clandestins, mais aussi la honte de la colonisation algérienne et les douloureuses séquelles laissées par deux guerres mondiales.
De cette correspondance extraordinaire, véritable miroir de la condition existentielle des femmes et des hommes de l'époque, Beauvoir elle-même avait envisagé de faire un livre. Sexe, amour et féminisme est le premier à en explorer les archives.
Judith Coffin nous entraîne dans le tumulte de décennies révolutionnaires où l'on croise aussi les militantes du MLF, Gisèle Halimi, Frantz Fanon et Betty Friedan. Son livre est une illustration saisissante du pouvoir de la lecture : il nous révèle le lien intime complexe et souvent contrarié que l'écrivaine avait tissé avec son public. La connaissance que nous avons de Simone de Beauvoir et de son oeuvre en ressort transformée.
Préface de Manon Garcia
« Et je suis ici, immobile, complice et lâche. J'ai honte, honte... Partir pour l'Aurès ! Écrire ? Mourir ? Tuer ? Aller au Caire ? Témoigner à Alger ? Agir à Paris ? Que l'Homme en moi se fasse pour ma Patrie algérienne ! [...] Que faire ? Et comment donner aux Algériens arabes qui nous rejettent en bloc (dans 99 % des cas) la preuve que nous nous sentons Algériens, leurs égaux ? Seule la mort... - des sacrifices vrais peut-être... Écrire, mais quoi ? Je suis entre deux feux, deux vérités, l'une à dire, l'autre à taire. Et c'est bien la seule vérité qu'il faut ».
Depuis son assassinat le 30 août 1973, Jean Sénac n'a cessé d'imposer sa voix de poète visionnaire, qui a payé de sa vie le courage de ses positions et sa volonté de vérité. Il avait choisi le parti des indépendantistes, dans une Algérie où, tel Camus qui était son ami, il était né. Après la publication de ses oeuvres poétiques complètes et de sa biographie par Bernard Mazo, la découverte de ses carnets secrets, qui fourmillent de notations intimes et d'interrogations politiques, de poèmes et de réflexions sur la création artistique et sur la société, sur l'amour, l'homosexualité et l'amitié, donne de cette personnalité hors du commun une image bouleversante qui le rapproche de ses frères en poésie Constantin Cavafis, Pier Paolo Pasolini, Federico García Lorca, René Char.