Le dernier jeudi du Carnaval de l'année 1569, au coeur d'un hiver féroce, sept jeunes patriciens florentins s'assemblèrent pour faire académie. La sodalité ainsi fondée devint vite l'une des académies florentines les plus dynamiques - au point de laisser, lors de sa disparition, six décennies plus tard, des milliers de folios d'archives consignant ses travaux (registres d'activités, discours, poèmes, etc.). Comprendre ce qui motiva ces hommes à oeuvrer ensemble avec tant de diligence reste néanmoins malaisé, tant l'institution cultiva le secret. Un élément frappe pourtant : la plus grande partie des Alterati étaient issus de familles qui s'étaient autrefois opposées au démantèlement de la République oligarchique. Le pouvoir médicéen tint leurs rejetons à l'écart des offices communaux comme des charges de cour, les poussant sans doute indirectement à investir leurs énergies dans les arts et les savoirs.
Leur académie devint ainsi le lieu d'une ambivalence fondamentale : imitant par ses structures les institutions de la Florence communale, elle permit à ses membres de célébrer la République disparue en action comme en pensée - et toujours en vase clos. Mais, parce qu'elle donnait aux académiciens la possibilité de s'exercer avec constance à parler et à écrire, tout en les incitant à évaluer constamment les travaux d'autrui, elle leur offrait aussi l'occasion de travailler collectivement à leur intégration progressive dans la société de cour médicéenne, où les princes prisaient leurs savoir-faire et ne dédaignèrent pas d'en user.
Préface, VII 1 - Le second recueil des Fables - L'histoire d'une oeuvre, 1 III. La fable : un genre dénigré, 2 III. Les trois recueils : croissance interne, évolutions, réécritures et jeux d'oppositions, 9 III. La Fontaine face au pouvoir monarchique : un classique dans l'opposition au siècle de Louis le Grand ?, 16 2 - Structures d'un genre : le tout et la partie - L'oeuvre, d'un mot, 25 III. Qu'est-ce qu'une fable ?, 27 III. Effets de recueils, 34 III. Le fabuliste et son lecteur, 40 3 - La vérité du jeu ou l'enfance de l'art : plaire et instruire - Les thèmes à l'oeuvre (I), 49 III. Galanterie ? Un ton et deux publics, 51 III. Le pouvoir des fables, 56 III. Vérités et mensonges, 63 4 - Hommes et bêtes : " la voix de la nature " - Les thèmes à l'oeuvre (II), 71 III. Déguisements : la satire sociale et politique, 72 III. Transmutations et régressions : l'animalité humaine, 79 III. L'homme est-il corrigible ?, 86 5 - Une poésie philosophique ? Conscience de soi et contemplation créatrice - Les thèmes à l'oeuvre (III), 93 III. Sagesse et folie, 95 III. Soi et autrui : la solitude et l'amitié, 100 III. Contemplation et jouissance : la création, miroir divertissant de la diversité, 108 Lexique, 115 Thèmes et questions d'ensemble, 117
Ce livre examine les processus sociaux et politiques qui, dans le premier xviie siècle français, ont permis la constitution du théâtre dit classique en « art » au sens que l'époque moderne donnait à ce mot, c'est-à-dire celui d'ensemble de compétences techniques instituées. Adoptant souvent le point de vue de ses sources - qui sont en premier lieu les écrits de poétique produits dans l'entourage de Richelieu -, la tradition critique rend généralement compte de cette évolution en insistant sur le progrès qu'aurait constitué la mise en place de règles, présentées comme les fondements sur lesquels aurait trouvé à s'épanouir un théâtre perfectionné.
L'auteur de ce livre prend plutôt le parti de s'interroger en historienne sur l'origine de ces normes. L'étude montre en particulier que, dans la première moitié du xviie siècle français, l'institution du théâtre en tant qu'ensemble de savoir-faire spécifiques fut en réalité un produit de l'action politique et des réactions que celle-ci a pu susciter. Parce qu'il était tenu pour un moyen d'inviter à l'obéissance, le théâtre fut en effet envisagé par Richelieu et son entourage lettré comme un instrument de gouvernement. Dans ce cadre, les tentatives du pouvoir pour utiliser et réglementer le théâtre passèrent par la publication d'une poétique, par le développement d'un théâtre à la cour et par une législation visant à modifier le statut de l'acteur. Or ces actions, ainsi que les repositionnements auxquels elles ont conduit certains acteurs du monde des théâtres (tels que Pierre Corneille), si elles n'ont pas permis à la monarchie de prendre le contrôle de l'activité théâtrale comme elle l'espérait, ont néanmoins doté le théâtre d'une présence codifiée, tout autant qu'autorisée, dans la vie publique.
L'ouvrage permet ainsi de prendre du recul vis-à-vis de la fascination persistante, dans la culture française, pour les règles du théâtre dit classique. Il invite aussi à mesurer l'importance d'un phénomène historique souvent occulté dans les histoires de l'« art » et de la littérature, à savoir le rôle majeur joué, à l'époque moderne, par les autorités politiques de certains pays européens dans la constitution de ce que, dans une configuration très différente, nous continuons aujourd'hui d'appeler de l'« art ».