Alors qu'il passe quelques semaines auprès d'un maître puisatier pour gagner un peu d'argent avant d'entrer à l'université, le jeune Cem rencontre une troupe de comédiens ambulants et, parmi eux, une femme à la belle chevelure rousse. Il s'en éprend immédiatement, et, malgré leur différence d'âge, se noue entre eux l'esquisse d'une histoire d'amour. Mais les promesses de cet été sont soudainement balayées lorsque survient un accident sur le chantier du puits. Cem rentre à Istanbul le coeur gros de souvenirs, et n'aura de cesse de tenter d'oublier ce qui s'est passé. C'est sans compter sur la force du destin qui finit toujours par s'imposer aux hommes, et leur rappeler ce qu'ils ont voulu enfouir au plus profond d'eux-mêmes. Dans ce roman de formation aux allures de fable sociale, Orhan Pamuk tisse à merveille un récit personnel avec l'histoire d'un pays en pleine évolution, et fait magistralement résonner la force des mythes anciens dans la Turquie contemporaine. Avec tendresse et érudition, La Femme aux Cheveux roux nous interroge sur les choix de l'existence et la place véritable de la liberté.
Comme tant d'autres, Mevlut a quitté son village d'Anatolie pour s'installer sur les collines qui bordent Istanbul. Il y vend de la boza, cette boisson fermentée traditionnelle prisée par les Turcs.
Mais Istanbul s'étend, le raki détrône la boza, et pendant que ses amis agrandissent leurs maisons et se marient, Mevlut s'entête. Toute sa vie, il arpentera les rues comme marchand ambulant, point mobile et privilégié pour saisir un monde en transformation. Et même si ses projets de commerce n'aboutissent pas et que ses lettres d'amour ne semblent jamais parvenir à la bonne destinataire, il relèvera le défi de s'approprier cette existence qui est la sienne.
En faisant résonner les voix de Mevlut et de ses amis, Orhan Pamuk décrit l'émergence, ces cinquante dernières années, de la fascinante mégapole qu'est Istanbul. Cette «chose étrange», c'est à la fois la ville et l'amour, l'histoire poignante d'un homme déterminé à être heureux.
Kemal, un jeune homme d'une trentaine d'années, est promis à Sibel, issue comme lui de la bonne bourgeoisie stambouliote, quand il rencontre Füsun, une parente éloignée et plutôt pauvre. Il tombe fou amoureux de la jeune fille, et sous prétexte de lui donner des cours de mathématiques, la retrouve tous les jours dans l'appartement vide de sa mère. En même temps, il est incapable de renoncer à sa liaison avec Sibel.
C'est seulement quand Füsun disparaît, après les fiançailles entre Sibel et Kemal célébrées en grande pompe, que ce dernier comprend à quel point il l'aime. Kemal rend alors visite à sa famille et emporte une simple réglette lui ayant appartenu : ce sera la première pièce du musée qu'il consacrera à son amour disparu. Puis, il avoue tout à Sibel et rompt les fiançailles.
Quand, quelque temps après, Kemal retrouve la trace de Füsun, mariée à son ami d'enfance Feridun, son obsession pour la jeune femme montera encore d'un cran...
Le musée de l'innocence est un grand roman nostalgique sur l'amour, le désir et l'absence, une nouvelle preuve de l'immense talent de l'écrivain turc.
C'est dans le quartier occidental de Nisantasi que Djevdet Bey, un riche marchand musulman, s'installe avec son épouse pour fonder une famille. Nous sommes en 1905 et le sultan Abdul Hamid II vient d'échapper à un attentat. Les élites turques contestent de plus en plus fortement le règne despotique des dirigeants ottomans, le pays se trouve alors à un tournant historique que Djevdet décide de relater dans son journal. Trente ans plus tard, la Turquie n'est en effet plus la même après la réforme du régime politique, le bouleversement des moeurs, et la mise en place d'un nouvel alphabet.
Les fils de Djevdet Bey en profitent pour prendre des directions différentes dans ce pays gagné par la modernité : Osman reprend les affaires de son père tandis que Refik s'adonne à la lecture de Rousseau et Ömer fait fortune dans les grands projets ferroviaires. C'est à la troisième génération, en 1970, qu'un besoin de retour vers les origines vient sceller cette fresque turque. Le fils de Refik, qui est artiste-peintre, s'attaque au portrait de son grand-père, décédé en 1965. Pour cela, il va devoir s'immerger dans le journal de Djevdet Bey, et ainsi revisiter soixante années de changements.
Djevdet Bey et ses fils est le premier roman écrit par Orhan Pamuk. Toute son oeuvre affleure déjà dans cette immense fresque à trois temps qui dépeint magistralement l'émergence d'une Turquie moderne, thème qu'il déclinera sans cesse dans la suite de sa production littéraire.
D'autres couleurs nous plonge dans l'univers intellectuel et culturel, mais aussi intime d'Orhan Pamuk. Dans ces soixante-seize essais, discours ou récits, le romancier turc nous parle de son enfance à Istanbul, de l'obtention de son premier passeport ou de la mort de son père. Il se livre à une brillante analyse de la politique turque au sens large et de la place de la Turquie par rapport à l'Europe. Il se remémore également le tremblement de terre d'Izmit en 1999, sa peur, et les catastrophes liées au passage des pétroliers dans le Bosphore. Il rappelle l'importance de Dostoïevski, de Camus, de Thomas Bernhard dans son parcours, puis revient sur l'écriture de ses propres livres. Avant d'évoquer, au centre de son discours de réception du prix Nobel, la figure de son père... Cet ensemble de textes dessine un extraordinaire portrait d'Orhan Pamuk, retraçant pour le lecteur le parcours d'un grand écrivain. Prix Nobel de littérature 2006.
Ne reste que des cendres. Des cendres chaudes, brûlantes, des poussières incandescentes au goût âcre : les vestiges des feux allumés par toute une génération qui croyait pouvoir enrayer le mécanisme infernal des dictatures militaires et des fanatismes. Une génération de révolutionnaires, de militants, parmi lesquels la flamboyante Ülkü. Personnage obsédant, amoureuse éperdue, elle traverse la tête haute et le coeur battant les tourmentes politiques et sociales qui ont secoué la Turquie depuis les années 70. Elle qui a vécu dans sa chair la torture et les deuils ; dans son coeur : la passion, la fascination et la lâcheté des hommes.
Des cendres de cet engagement des plus contemporains, Oya Baydar fait renaître les passions, les espoirs de son peuple, de ces militants du monde entier qui ont comme elle connu la lutte, l'exil et le désenchantement.
Diyarbakir, capitale du Kurdistan turc, aujourd'hui :
Sur les remparts de la forteresse antique de Sur, la neige tombe. Lente, douce et tranquille.
Dialoguant avec un mystérieux interlocuteur, Oya Baydar, figure majeure de la littérature turque et ancienne militante marxiste, revient sur une vie de luttes dont la tragédie kurde contemporaine est l'ul- time chapitre.
Ömer, célèbre romancier en panne d'écriture, se lance sur les routes anatoliennes à la recherche de sa vérité et de celle du peuple kurde. Il s'éloigne ainsi de son épouse Elif, scientifique de renom, elle aussi en plein questionnement : pourquoi leur fils a-t-il décidé de fuir ses parents et un monde à feu et à sang pour la tranquillité d'une île norvégienne ?
En quoi leur génération militante a-t-elle failli ?
Kathy Hirschel, immigrée allemande, tient une librairie spécialisée dans le polar, dans un quartier très animé d'Istanbul : Koulédibi.
La quarantaine passée, elle se désespère de sa morne existence et décide alors de se séparer de son petit ami Selim et de son appartement. Elle préfère partir en quête d'un nouveau logement et rencontre pour ce faire un fonctionnaire corrompu qui lui propose quelques appartements. Celui de son choix, situé dans une superbe résidence, est pour le moment squatté par Osmane, un chef de la mafia des parkings.
Elle tente de s'introduire dans l'appartement promis et de forcer le passage. En vain. Ce qui lui vaut quelques échanges houleux avec ledit squatter. Le lendemain, ce dernier est retrouvé mort, d'une balle dans la jambe (dans la jambe ? Oui, bizarrement !). Désignée comme la coupable idéale au titre de son altercation avec la victime la veille au soir, elle est arrêtée, interrogée et finalement relâchée, faute de preuves.
Elle entend cependant mener l'enquête et prouver son innocence aux membres de la famille d'Osmane, qui aimeraient venger la mémoire de leur frère, de leur fils. Survient alors un autre meurtre, dans un immeuble voisin de sa librairie : celui d'une vieille dame éviscérée pour quelques bracelets en fer-blanc. Mais qui sont les auteurs de ces deux crimes, sans lien apparent ? C'est ce que Kathy va s'appliquer à découvrir.
Gonul, une des "filles" de la communauté travestie d'Istanbul, retrouve son voisin, un pharmacien sans histoires, à son domicile : nu, frappé à mort, le visage tuméfié, affublé d'une grotesque perruque noire et les lèvres outrageusement badigeonnées de rouge à lèvres coquelicot.
Paniquée, elle supplie son ami(e) de toujours - informaticien le jour, patron d'un night-club travesti la nuit et détective à ses heures - de l'aider à retrouver le meurtrier. Mais la Queen détective a d'autres chats à fouetter... Jusqu'à ce que Gonul elle-même soit suspectée et que d'autres cadavres soient retrouvés selon la même mise en scène soignée, façon relooking extrême : tête explosée, mise en plis et maquillage post-modem...
Dans la canicule de Chypre, Daryal, le baroudeur, est devenu le réceptacle des rêves d'un autre. C'est par leur biais qu'il pourra reconnaître celui que tous recherchent, le détenteur de la légitimité historique dans l'affrontement qui oppose les Etats-Unis et l'Europe aux Russes pour le pouvoir à Nova Roma, comme se nomme maintenant Istanbul, sous protectorat de l'ONU, après sa destruction dans un grand tremblement de terre. Les rêves de l'héritier de Constantin le Grand portent la mémoire génétique du meurtre de son ancêtre, mais à ce meurtre se superposent d'autres meurtres, que seul Daryal peut déchiffrer et qui le conduisent à des aventures dangereuses et passionnantes que hante la belle archéologue, Destina. Avec un sûr talent de conteuse et d'analyste politique, Mine G. Kirikkanat utilise toutes les recherches récentes sur l'ADN, le sang et les rêves pour nous raconter le développement, dans un proche avenir, d'une histoire politique possible, pleine de suspense, de surprises et de vérité.
Dans ce roman Elif Shafak donne vie au Bonbon Palace et à ses habitants. Cet immeuble à l'élégance désuète fut bâti en 1966 à Istanbul, sur le site d'un ancien cimetière musulman et arménien, par un riche Russe pour sa femme qui ne s'émouvait plus qu'à la vue de friandises... Aujourd'hui décati, infesté par la vermine et les ordures, Bonbon Palace abrite dix appartements. S'y côtoient des voisins farfelus et très différents, composant une mosaïque de la société turque actuelle, reflétant ses aspirations, ses
tensions et ses contradictions. Il y a d'abord le narrateur, un homme à femmes avec un penchant pour Kierkegaard. Puis le gérant de l'immeuble, le très religieux Hadji Hadji, conteur cruel à ses heures. Il y a aussi Cemal et Celal, les jumeaux coiffeurs; Hygiène Tijen qui n'a pas volé son surnom; Nadia, desperate housewife accro à un soap opera; la cafardeuse «maîtresse bleue»; la flamboyante Ethel en quête du grand amour... Roman choral, roman truculent à l'ambiance digne d'un Almodovar, Bonbon Palace frappe par son énergie, sa fantaisie, son ironie. Il séduit par l'éventail des émotions qu'il déploie, passant en un clin d'oeil du comique au tragique.